Eat wanted...

Svenia gémi alors qu’une faible lumière frappait sa couverture miteuse, le jour était déjà là ? Mais quel jour…A oui, Mardi, son jour de repos…Elle se leva du matelas à moitié déglingué sur lequel elle avait élu domicile pour la nuit. A vrai dire Svenia n’avait pas de ‘chez soi’ bien défini, dormant là où elle en avait envie. Mais ces derniers mois elle avait pris l’habitude de dormir dans les alentours du black miroir. Elle appréciait l’ambiance de ce dernier, mais ne s’était pas encore décidée à dormir à l’intérieur. Surtout qu’à ses heures perdues elle fréquentaient d’autres lieux de rixe appelés dans le langage populaire ‘bars’.
Elle aimait bien traîner dans ces lieux miteux où l’on servait de l’alcool, elle avait d’ailleurs expérimenté tous les bars de la ville. La Flamme Bleue l’avait déçue, un immense bâtiment PROPRE aux apparences de salon ! Elle ne s’y était pas attardée, n’ayant consommé que deux chopes avant de s’en aller avec l’envie de vomir. Décidément, la sphère n’était composée que de péte-plus-haut-que-leur-cul. Qu’elle bande de bourges… Le lovers du quartier Ouest n’était pas désagréable, mis a part l’ambiance cul cul la praline qui y régnait, de plus elle trouvait la déco dépassée. Quant au quartier Est, il n’y avait rien digne de ce nom à cet endroit, de toute façon c’était un coin paumé que seul une bande d’adolescents boutonneux fréquentaient.

Sortant du petit appartement où elle avait passé la nuit, un sourire apparu sur le visage de la jeune femme : il pleuvait. Elle avait toujours apprécié la pluie, c’était un jour à traîner en ville et non à se murer à l’intérieur (oui la logique de Svenia et quelque peu inverse à celle des autres). Ne sachant trop où se balader, ce fut son estomac qui décida pour elle : un endroit où il y avait à manger. Tapotant sinistrement son portefeuille qui ne contenait qu’un ou deux billets de petite valeur, elle se dirigea vers le quartier Ouest. En traversant le Hoshi Akai, elle remarqua de nouvelles taches rouge sur le sol, avec un sinistre sourire elle constata que cette fois-ci, on avait pris la peine de retirer les corps.

Pourquoi ne s’étonnait-elle pas qu’un massacre ait été commis ici durant la nuit ? Tout simplement parce que c’était le petit cadeau bonus du quartier Sud. On aurait pu en faire une pub : pour une maison achetée, un massacre offert ! Si les imbéciles qui se faisaient lapider le soir n’étaient pas assez forts pour survivre, alors tant pis pour eux, qu’ils disparaissent était mieux que de leur donner de faux espoirs. A cette pensée, Svenia effleura pensivement les bandages qui lui recouvraient en partie la moitié gauche du visage. Dès son arrivée on avait tenté de la tuer, elle s’en était sortie…Cela voulait-il dire qu’elle n’était pas si mauvaise que ça ? Qu’était donc devenu le gamin silencieux de ce jour là ? C’était-il fait tué ? Gambadait-il dans la ville, muant en même temps que les phéromones de l’adolescence s’emparaient du lui ? Il appartenait sûrement au groupe D.R.E.A.M. peut être qu’ils se croiseraient de nouveau un de ces jours, ou pas…

Perdue dans ses pensées, la rouquine ne s’était pas aperçue qu’elle se trouvait déjà devant le quartier commerçant. Il devait être tôt, il n’y avait pas grand monde… De son estomac sortirent de nouveau des bruits inhumains. Se frottant doucement son ventre plat recouvert par le tissu blanc, enfin qui fut blanc à une époque, de sa chemise aux manches si longues qu’elles lui arrivaient aux genoux. Jetant un coup d’œil à ses vêtements, Earth découvrit qu’il faudrait rapidement recoudre le jean délavé qu’elle avait enfilé, sinon il finirait par se séparer en trois morceaux bien distincts dans les jours à venir.

S’arrachant à ses observations futiles, la serveuse se mis en quête d’une épicerie. Ce qu’elle trouva coincer entre une librairie et un grossiste. Le petit magasin à la devanture violette proposait un choix assez large de produits peu cher aux dates de péremption trafiquées. Evidemment pour avoir quelque chose d’abordable dans ce quartier il fallait se contenter de tout ce qui était douteux pour la santé de son estomac. Et ça convenait parfaitement à la jeune femme qui n’avait subi que deux intoxications alimentaires en six ans de marchandage de sardines périmées. Jetant un coup d’œil au contenu de son porte-monnaie, elle leva ensuite les yeux devant le rayon réfrigéré et y attrapa une quelconque canette, ne regardant même pas de quel alcool il s’agissait, mais sachant qu’elle en contenait, elle se dirigea vers le rayon des petits déjeuner. En faisant la moue elle décréta que du pain la calerai jusqu’à sa prochaine paye. Posant la main sur le dernier paquet de brioches, elle fronça les sourcils alors qu’une autre main, surgie de nulle part, tentait de s’emparer du même paquet.

Pour quelqu'un qui possédait un appartement situé dans un château, Nicodèm ne correspondait pas au profil type. Une odeur de richesse n'émanait pas de sa personne, pas plus qu'une quelconque aura destructrice, ou quoi que ce soit qui puisse l'assimiler à un aristocrate prisonnier de ce monde, ou à un membre de la Sphère. Ce matin là, il avait en réalité l'air plus pitoyable qu'autre chose.

Réveillé par le bruit de la pluie martyrisant ses vitres et son crâne, il s'était révélé particulièrement ardu de se souvenir de sa journée de la veille. En insistant quelque peu, il parvint à reconstituer le film à rebours, et se rappela avoir trébuché sur le seul tapis de l'appartement, déclenchant un torrent de juron de la part de la carpette. Maintenant qu'il y pensait, ce n'était pas la première fois. Réfléchissant à la possibilité de déplacer l'obstacle pour ménager leurs deux suceptibilités, il ne trouva rien d'étonnant à se souvenir d'être sorti d'un bar miteux, les bistrots de ce monde ne pouvaient guère concourrir pour la palme de l'établissement le plus propre et agréable à vivre. Il se vit boire, assez pour justifier son mal de tête, et fumer cigarette sur cigarette. Il ne fumait pas autant d'habitude.

Se levant un peu brusquement, il enfila un jean et ouvrit son placard à la recherche d'une denrée alimentaire pouvant lui servir de petit-déjeuner. Car oui, il avait faim. Atrocement faim, comme s'il s'était particulièrement dépensé avant.

Il passa une main sur son visage, et put observer une longue estafilade sur son avant-bras droit, qui semblait plutôt récente. Ah, ça lui revenait...

Une mission de la Sphère lui avait été confiée, et la mener à bien l'avait tellement déprimé qu'il s'était engouffré dans la première gargote venue, sans passer par son appartement. Avisant un tas de vêtements roulés en boule, il remarqua la tache de sang sur la manche correspondant à son égratignure, et balança le tout dans l'évier en songeant qu'il s'en occuperait plus tard. Le mystère de son état élucidé, il devait désormais se consacrer à la tâche plus difficile de trouver de quoi se nourrir. Son garde-manger ne contenant rien de comestible, il sourit. C'était exactement comme dans son ancienne vie, il oubliait toujours de faire les courses... Maîtrisant pour une fois parfaitement son sujet, le mutant referma son placard et termina de s'habiller avant de partir en quête d'un magasin d'alimentation qui s'accorderait avec son budget, et de préférence loin de son lieu d'habitation. Il n'avait pas envie de croiser un autre membre de la Sphère...

La pluie le trempa jusqu'aux os pendant sa traversée du quartier ouest jusqu'à l'allée commerçante visée, expliquant sans doute la faible fréquentation de l'allée sus-nommée. La première épicerie venue fut décrétée parfaite, même s'il y avait visiblement des années lumières entre le commerce et le qualificatif appliqué.

S'ébrouant comme un jeune chien, il adressa un vague sourire à la dame grisâtre de la caisse, et marcha droit vers le coin boulangerie, où se qui s'en rapprochait le plus. Il examina d'abord des croissants parés de superbes coulées vert-moisissures qui le firent détourner rapidement les yeux. Les baguettes de pain tombant en miettes, il se rabattit sur un paquet de brioches, dernier survivant de l'approvisionnement des consommateurs. À peine allait-il s'en saisir qu'une main se posa sur ce qu'il convoitait, le faisant grincer des dents. Il referma néanmoins ses doigts sur les brioches, avant de se retourner vers l'autre personne pour juger de sa détermination.

** Ah. On va dire solidement convaincue, hein ? **

Mais lui aussi avait faim. Il tenta d'attirer à lui la nourriture, mais la fille (car c'était bien une fille) fit de même, et le paquet de brioches souffrit, mais ne bougea pas. Un second essai fut tout aussi infructueux. Nicodème ouvrit la bouche pour revendiquer la chose, ou proposer de partager le cas échéant lorsqu'un tiraillement plus violent que les autres eut raison du sac.

Le paquet éclata, projetant les brioches sur le sol douteux de l'épicerie.

*Quel est l’imbécile qui vient de poser la main sur MA nourriture ?!*

Telle fut la première pensée de Svenia dans le quart de millième de seconde après l’apparition de ce bout de chair étranger et non désiré. Le seul œil valide de la jeune femme se posa sur son adversaire du moment, sans vraiment le voir : le défi du moment était de lui arracher l’objet de sa convoitise le plus vite possible et de taper un sprint jusqu’à la caisse pour payer le tout. Elle tira donc le paquet de son côté, mais son opposant avait visiblement décidé la même chose et tira à son tour. Nouveau petit cours de physique : les forces s’exerçants sur la brioche étant visiblement égales et s’opposant, le paquet ne bougeait presque pas. Sans vraiment se soucier du bien être de l’emballage, les deux compétiteurs tirèrent de nouveau, le troisième essai fut fatal pour celui qui semblait être l’un des rares aliments comestibles de la minuscule épicerie. Le contenu du paquet bleu délavé se répandit sur le sol au ralenti, comme dans les films lorsque le méchant laisse tomber une fiole pleine d’un gaz toxique. Le héros se jetait alors au sol et rattrapait l’objet de justesse, sauvant ainsi la belle blonde et le gamin complètement fan de lui. Cependant, ici, personne ne se jeta au sol, mais Svenia regardait celui-ci avec une consternation évidente : il allait falloir qu’elle fasse le tour de la ville pour retrouver une si bonne affaire !

La jeune femme releva doucement la tête, un ricanement agacé coincé au fond de la gorge, son œil vert brillant d’une étrange lueur malsaine. Qui était donc le gueux qui venait de lui retirer le pain de la bouche ?! Son regard se posa sur son rival. Il n’était pas très grand, et jeune. Sûrement plus qu’elle, bien qu’en apparence il fût indéniable qu’elle ressembla plus à une gamine que lui. Plus elle observait plus il lui faisait penser à un rongeur.

*sale petit rat…Tu vas voir…uh uh uh…je vais te découper en rondelles et te manger en guise de petit dej’…*

Secouant doucement la tête pour garder son sang froid et chasser les idées meurtrières qui s’emparaient d’elle, la jeune femme repoussa ses cheveux roux en arrière et releva le menton dans une attitude altière en espérant que ça la vieillirait. Mais même ainsi en se redressant ainsi, elle restait beaucoup plus petite que le jeune homme. La serveuse pris son souffle pour se calmer, puis, de ses lèvres légèrement pincées sortit un murmure. Elle pris parole de sa petite voix qui paraissait sûrement ridicule vu l’attitude qu’elle tentait désespérément d’adopter devant ce môme.

« Tu es content ? Maintenant tu as intérêt à me trouver autre chose à manger ! Ou rembourse moi !!! »

Hein ? Non de son point de vue il n’était absolument pas abusé de demander au parti adverse réparation : après tout elle était plus vieille et avait droit au respect ! Et puis elle pouvait lui éclater sa belle petite gueule contre le sol s’il refusait. Puis lui faire bouffer les croissants moisis qui se trouvaient à l’entrée du rayon…Cela faisait maintenant 6 ans qu’elle était habituée à ce qu’on exécuta le moindre de ses caprices dans la seconde qui suivait.

Regardant toujours le garçon d’un air hautain, une grimace apparut alors sur son visage pendant que son estomac se tordait douloureusement dans son ventre, protestant contre l’absence prolongée de nourriture qu’il avait dû subir ce mois-ci. Il émit alors un grognement qui aurait fait fuir n’importe quel humain correctement constitué. Ah ! Ce n’était vraiment pas le moment : comment garder une attitude digne alors que son ventre émettait des bruits étranges ? Surtout que celui-ci avait l’air d’avoir décidé de lui offrir un concert live de grondements inhumains.

*Ta gueule!! Non mais ta gueule j't'ai dit!!!C'est pas le moment!!!*

» !!! Wanted !!!